Evil Plan / UKANDANZ

Le plan diabolique de Ukandanz ne tarde pas à se dévoiler… Dès que résonnent les premières notes de l’opus Evil Plan, le décor est planté et les adeptes de la transe mondialisée comprennent qu’ils vont pouvoir s’y égayer. Ce sixième album est une nouvelle déflagration cosmique dans la galaxie que le groupe s’est lui même créée il y a quinze ans : celle d’une musique éthiopienne des années 1970 gonflée aux hormones rock, noise et expé !

Le chantre éthiopien Asnake Gebreyes, incarnation vocale et spirituelle du groupe depuis ses origines en 2010, retrouve le compact quartet français électrisé par Damien Cluzel. Compositeur, arrangeur et musicien, il continue son ouvrage d’exploration et de déconstruction de grands standards de la musique éthiopienne. Il convie même des légendes à cette grande bouffe musicale, tout autant respectueuse du passé que punk dans ce nouveau présent de la musique mondialisée. Tlahoun Gèssèssè, Getachew Kassa ou Muluken Melesse trouvent une bonne place aux côtés du directeur de la collection Ethiopiques de Francis Falceto (à qui le morceau final est dédié) ou même de Black Sabbath.

Si le tube pop Yene Felagote de Tlahoun Gèssèssè ouvre l’album à la manière si reconnaissable du combo, audacieuse et explosive, Ukandanz s’aventure dans de nouvelles contrées avec la reprise de War Pigs de Black Sabbath. Pour la première fois, c’est le répertoire rock qui est revisité à la sauce ethio 2.0 ; Asnake Gebreyes interprète en amharique ce pamphlet cathartique, alors que son pays est en pleine guerre civile depuis 2020. La suite de l’album garde le rythme entre tempêtes sonores et envolées vocales. Deux relectures de grandes figures tutélaires de la musique éthiopienne, Liwesdeshe Andiken et Hedech Alu, permettent au griot électrique de rendre un vibrant hommage à ses aînés disparus en 2024 et de retrouver l’énergie des célébrations populaires… Deux morceaux instrumentaux tirés d’un précédent album en quartet, 4 Against the Odds et Song for Francis, démontrent encore la synergie de musiciens qui savent s’émanciper des traditions en les magnifiant.

Avec Evil Plan, Ukandanz rappelle à l’univers sa place unique sur une planète musicale en perpétuelle révolution… La voix souple et puissante d’Asnake Gebreyes trouve un nouveau terrain de jeu, toujours au carrefour des cultures et des époques. La section basse-batterie ne craint pas de se frotter à l’exubérance rythmique venue du cœur de l’Afrique et ne se prive pas de lui administrer des électrochocs… Embardées de sax tapageur, envolées de clavier exalté et quelques perles de riffs de guitare complètent la géographie sensible de ce nouveau continent imaginaire.