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Les chimères passées par le tamis du langage populaire résonnent aujourd’hui moins comme des créatures de l’impossible que comme des idées déconnectées de la réalité. Le nouveau trio créé par le compositeur-saxophoniste Romain Dugelay vient puiser dans l’imaginaire de ces deux conceptions, en tranchant net avec ses épopées électriques pour retrouver le muscle et le tendon de la musique acoustique.

Différentes lames de formes sont mises à l’épreuve avec cette nouvelle redéfinition du trio de jazz (piano, trombone et saxophone) ; la variété de dialogues des cordes frappées ou frottées en musique de chambre, les rebonds du cool jazz cuivré par le soleil de la West Coast, les embardées rythmiques et mélodiques du free… Et si l’on veut toucher au fond du projet, rien d’étonnant à croiser une meute d’animaux hybrides qui ont servi de points de départs à des compositions interrogeant le rêve et l’utopie confrontées à l’absurdité du monde réel. Essentielle interrogation par l’art vivant de l’emprise technologique qui réduit le sens du virtuel à une vieille peau de chagrin…

Pour la composition de cet ambitieux nouveau répertoire, Romain Dugelay ressemble à l’insatiable baroudeur qui cherche une nouvelle aire où il pourra revenir à l’essentiel. Il enlève les doigts de la prise pour une nouvelle exploration intérieure, jusqu’à ses propres (res)sources de jazz et ses perpétuelles hybridations … Entre les solides patterns du genre et les possibilités infinies d’improvisation qu’ils aménagent, le terrain de jeu est vaste ! Deux représentants de la bouillonnante scène lyonnaise viennent s’y égayer avec lui. Simon Girard, en incroyable dialoguiste du trombone, vient proposer sa large palette de nuances pour un mariage de cuivres inauguré lors de la dernière mouture de l’ensemble Polymorphie. Une nouvelle partenaire va entourer le duo de son aura sonore bienveillante, en la personne de la pianiste Anne Quillier, qui s’est fait largement (re)connaître par ses talents de compositrice et d’interprète.

Cette créature à trois têtes a besoin d’espaces adaptés pour donner la pleine mesure de sa combinaison à multiples touches. La notion d’acoustique revient à nouveau pour que l’harmonie de ce nouvel imaginaire vienne s’ancrer dans les esprits de ses publics aux oreilles grandes ouvertes.